C’est à Strasbourg que les Parlementaires européens ont entériné la fin du moteur thermique en Europe, une proposition faite par la Commission européenne il y a plusieurs mois et qui vise évidemment l’objectif d’une Europe zéro carbone à l’horizon 2050. Le moment est donc historique, car c’est une transition d’une rare intensité qui nous attend en plus d’un vrai défi pour les industriels. Mais pourquoi diable imposer la date du 1er janvier 2035 pour effectuer cette transition radicale ? Et bien tout simplement parce que la Commission estime que le renouvellement d’une voiture s’opère tous les 15 ans. En théorie donc, en 2050, il ne devrait plus y avoir de voitures thermiques en circulation sur nos routes, ancêtres et youngtimers mis à part.
La fin des moteurs thermiques a été adoptée par une majorité assez confortable, mais pas totale non plus (339 voix pour, 249 contre). Pour un dossier aussi sensible, les oppositions se sont révélées et, sans surprise, le groupe PPE (droite pro-européenne et première force politique du Parlement) a voté contre, car il aurait préféré opter pour une réduction de 90 % des émissions en 2035, en ne stoppant pas la vente de voitures hybrides. Or, celles-ci seront bel et bien interdites. Parmi les autres dissensions, il faut aussi citer le fait que les Verts voulaient que l’interdiction soit avancée à 2030 (autant dire que c’est totalement irréaliste) tandis que les conservateurs tablaient plutôt sur 2040. Match nul : on garde donc la date intermédiaire de 2035.
Des débats houleux
En coulisses, il se dit que le débat n’a pas été facile. En effet, si l’on en croit les termes du président de la commission environnement de l’assemblée, le Français Pascal Canfin (Renew), les eurodéputés auraient du faire face à un « tsunami de lobbying », notamment de la part de Porsche et de BMW. Les autres constructeurs auraient quant à eux pris acte et pris le pli de se conformer le plus rapidement possible à ce changement : Jaguar a prévu d’être 100% électrique en 2025, Opel en 2028, Volvo en 2030 tout comme Ford, Renault ou le groupe Stellantis, Audi en 2033 et GM en 2035.
Du côté des constructeurs, on ne s’attendait de toute façon pas à un revirement politique sur le sujet comme en témoigne d’ailleurs le communiqué de l’Association des Constructeurs automobiles européens (ACEA). Celui-ci indique que l’Association ne s’oppose pas à la décision, mais qu’elle est néanmoins très inquiète sur le calendrier et la faisabilité d’une telle transition énergétique et industrielle.
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Le Président de l’ACEA qui n’est autre que le grand patron de BMW, Oliver Zipse, s’est exprimé sur la chose et pour lui les problèmes qui se dessinent viendront plutôt du déploiement de l’infrastructure de recharge ainsi que de la disponibilité des matières premières pour la production des batteries. Un pessimisme que Carlos Tavares, le patron du groupe Stellantis, a déjà récemment partagé. Ce dernier n’a pas encore commenté la décision des eurodéputés, mais on s’attend évidemment à ce qu’il le fasse rapidement avec, probablement, une nouvelle évocation des réalités industrielles de cette transition.
Des aides financières européennes ?
On se demande dans quelle mesure les constructeurs ne demanderont pas bientôt des aides financières à l’Europe pour soutenir cette transition ? L’enjeu de la disponibilité des matières premières pour fabriquer des batteries et la nécessité de produire localement pourrait en effet aboutir à la demande de crédits européens, ce qui ne serait d’ailleurs pas déplacé quand on sait que l’État allemand a par exemple mis sur la table plus d’un milliard d’euros de subsides pour la nouvelle usine de Tesla près de Berlin.
Quoi qu’il en soit, les constructeurs devront essuyer des pertes sèches dans les années qui viennent, notamment pour les investissements relatifs à la future norme Euro 7 et qui ne seront peut-être pas amortis en 10 ans. En outre, le groupe Volkswagen – et Porsche plus particulièrement – s’est lancé dans un vaste programme de développement de carburant de synthèse capable de réduire de 80 à 90% les émissions à l’échappement. Mais là aussi, c’est « poubelle » si on peut dire alors que l’investissement de départ se chiffrait à 100 millions d’euros tout de même. Dommage…
Des emplois perdus et retrouvés ?
Durant le débat parlementaire, la question de l’emploi a bien entendu été soulevée. Car il va de soi que le passage à l’électrique entraînera aussi la fermeture de tous les départements versés dans les moteurs thermiques. Logique. En Allemagne, la CDU (conservateur) a indiqué que les pertes d’emplois se chiffreraient certainement à 500.000 tandis qu’une députée nationaliste polonaise a même porté cette estimation à 800.000. Mais l’argument a été balayé d’un revers de la main par d’autres députés essentiellement d’obédience écologiste qui soutenaient que la transition dans l’automobile créerait 581.000 nouveaux emplois en Europe.
Ce qui est nécessaire en tout cas, c’est de mettre en place une filière efficace de reconversion pour les travailleurs du thermique. Cela dit, question emploi, tous les points n’ont pas été abordés et notamment celui de l’avenir des métiers liés à l’après-vente : mécaniciens chargés de l’entretien (il en faudra moins avec les voitures électriques), gestionnaires ou employés de stations-service, etc. On se demande en effet qui créera une filière de reconversion pour ces travailleurs, car il est clair qu’il ne faudra pas de personnel pour gérer un parc de bornes de recharges. Il suffit de voir les stations de superchargeurs de Tesla qui ne nécessitent évidemment aucune présence humaine. Le débat sur la question, sources aussi de pressions, est vaste et probablement inépuisable…
Un plaisir, la voiture électrique ?
Pour les transports, le monde d’après a donc été validé ce mercredi par les eurodéputés. Frans Timmermans, vice-président de la Commission, a d’ailleurs déclaré que « le monde a bougé » après le vote et il a invité à ne pas priver les consommateurs européens du « plaisir de conduire une voiture propre, abordable, excitante et construite en Europe ». Une belle recette sur le papier, mais qui reste encore à élaborer. Et ensuite à pérenniser. Car rien n’indique aujourd’hui que tout cela sera réalisable, notamment avec la crise des prix et les pénuries qui pèsent sur les matières premières (lithium, nickel, etc.), une situation qui pourraient empêcher de fabriquer suffisamment de batteries, et donc freiner le déploiement des véhicules à électrons.
Ce scénario – qui semble de plus en plus probable – ne sera clairement pas de nature à faire baisser les prix, ce qui semble pourtant nécessaire pour la majorité des automobilistes pour qui ces voitures restent inabordables. Les décideurs européens ne semblent pas s’être penchés sur cette question. Ni envisager de dégager des aides pour soutenir cette transition. Comme souvent, des décisions radicales sont prises au nom du bien commun et ce n’est qu’ensuite que l’on cherche des solutions. Il faudrait pourtant faire l’inverse.
La fin du moteur thermique est-elle gravée dans le marbre ? Probablement. Certes, le texte doit encore être examiné par le Conseil des États de l’Union à la fin juin puis encore faire l’objet d’un accord entre la Commission, le Parlement et le Conseil en juillet 2022. Cela dit, il n’y a aucune chance (ou presque) que les autorités reviennent sur la décision qui fait désormais l’objet d’un véritable consensus. D’ici la fin de l’année, la fin d’une ère longue de plus de 120 ans sera donc définitivement actée.
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