La mobilité n’aura jamais été autant au centre des attentions que ces derniers mois. En effet, sur un laps de temps très court sont arrivés en pagaille les nouveaux plans de circulation dans les villes, les zones de basses émissions, le forcing pour assurer la transition vers la voiture électrique (interdiction des moteurs thermiques dès 2035) et, en plus, l’explosion des prix des carburants qui chamboule tout.
Aujourd’hui, c’est surtout vers le plan de circulation bruxellois Good Move que les regards sont tournés, car celui-ci soulève une inédite contestation teintée – malheureusement – de violences qui ne sont jamais justifiées. Souvent, le plan de circulation est craint, car il nécessite des changements de comportement, mais il est aussi redouté pour le manque à gagner qu’il pourrait générer d’un point de vue économique. Les commerçants en particulier estiment que les habitants ne se déplaceront plus – ou beaucoup – moins, ce qui menace directement leur activité.
Actuellement, les réactions sont telles qu’elles déchirent les majorités dans les Conseils communaux, mais aussi les citoyens à tel point d’ailleurs que plusieurs communes ont décidé de mettre en pause l’application de leur plan Good Move.
L’avis d’un expert
Le contexte particulièrement tendu a poussé le journal économique L’Écho s’est adressé au spécialiste français Mathieu Chassignet qui étudie l’impact des politiques de mobilité sur le tissu économique des villes. Et l’expert est formel : les plans de circulation font tout, sauf tuer les commerces. Pourquoi ?
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Pour Mathieu Chassignet, le slogan « no parking, no business » qui nous vient en droite ligne des États-Unis est trop ancré dans la tête de nombreux commerçants alors qu’il s’adresse d’abord aux centres commerciaux des périphéries et qu’il n’a donc rien à voir avec la réalité des centres-ville si bien que les commerçants sont aujourd’hui les premiers opposants aux plans de circulation.
Le spécialiste travaille depuis longtemps sur cette problématique, un vrai monstre du Loch Ness, car si le sujet est très clivant, il est aussi très peu documenté, car peu d’enquêtes sont réalisées. Et selon Mathieu Chassignet, ce ne serait pas mieux du côté des villes. Ce qui est en outre dommage, c’est que les enquêtes menées – lorsqu’elles le sont – ne cherchent pas à savoir comment les clients se déplacent, ce qui est surprenant.
Du local et des locaux
Lorsqu’elles sont bien menées, les enquêtes montrent que la clientèle principale des commerces situés en ville est une clientèle de proximité qui ne se déplace justement que très peu en voiture. D’ailleurs, plus la population d’une ville est importante, moins les gens se déplacent en voiture. En outre, Mathieu Chassignet relève que les premiers souhaits des clients sont justement de pouvoir vivre dans un environnement plaisant et qu’une bonne place de parking figure tout en bas de la liste de ses besoins. En clair, l’impact de la voiture serait largement surestimé.
Et manifestement, cette réalité est commune à toutes les villes, quelle que soit leur taille ajoute encore le spécialiste : Lille qui en devenant piétonnier a gagné 15% de visiteurs ou Cheltenham qui a multiplié par deux la fréquentation de son centre-ville en fermant une route à la circulation.
L’automobiliste, un gros râleur ?
Pourquoi alors ce décalage de perception ? Mathieu Chassignet avance deux arguments : les commerçants sont les professionnels qui se déplacent le plus en voiture et ils projettent cette pratique sur les autres. Par ailleurs, l’automobiliste serait en outre très râleur de nature et le fait de ne pas pouvoir trouver une place à proximité déclencherait une frustration immédiate qui serait communiquée au commerçant, ce qui ne ferait que renforcer le sentiment négatif vis-à-vis des mesures de circulation en vigueur.
Mathieu Chassignet a en outre analysé la situation de Bruxelles et il est formel : le cas de notre capitale n’est pas différent de celui des autres villes. Le plan Good Move qui vise à construire des boucles de circulation pour éviter le trafic de transit est donc aussi réfléchi de la même manière qu’ailleurs. Et de citer d’autres exemples comme Gand, Louvain ou Groningen aux Pays-Bas.
Et demain ?
Pour l’ingénieur, il ne faut pas y aller par quatre chemins. Il rappelle en outre que, dans les années 1970, les villes ont transformé leurs places en parkings et qu’elles ont très vite compris que c’était une mauvaise idée. On a donc fait marche arrière dans les années 1990 et 2000 et, bien que des protestations se sont manifestées, tout le monde a rapidement constaté que c’est précisément ce qu’il fallait faire. Pour Mathieu Chassignet, il faut donc une politique claire et qui ne propose pas d’alternatives qui sont souvent contre-productives et constituent des freins au changement. Elke Van den Brandt appréciera sans doute cette analyse. Reste à voir comment la population acceptera le changement. Changer est toujours difficile.
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