Sur le parking d’une concession automobile de la banlieue bruxelloise, elle est garée anonymement. Et malgré ses presque 20 ans, elle n’a pas pris une ride : elle a toujours autant de prestance et de charme !
Au même titre que la Ferrari F40 ou la Porsche 959, la Carrera GT est une icône automobile dont les photos ont orné de nombreuses chambres d’adolescents ou de bureaux de passionnés. Fabriquée à seulement 1.270 exemplaires entre 2003 et 2006, la bête est très rare et en croiser une l’est tout autant. Pourtant, nous n’avons pas dû aller très loin pour aller à sa rencontre. En effet, cette voiture appartient à la D’Ieteren Gallery, collection privée de l’importateur historique des marques du groupe Volkswagen en Belgique.
Acquise neuve en 2003, la voiture portant le numéro 0034, une des 12 vendues en Belgique, a presque parcouru 25.000 km depuis, un kilométrage plutôt conséquent pout une supercar de cette trempe.
Bernard Van Bellingen, son gardien depuis quelques années, la connait mieux que quiconque puisqu’il a parcouru plus de 10.000 km à son volant ! « On peut considérer la Carrera GT comme un pur-sang qui a besoin d’un cavalier », explique-t-il. « C’est une voiture exigeante qui demande de nombreuses heures passées à son volant pour être domptée. ».
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Vitrine technologique
L’histoire de la Carrera GT commence avec la conception d’un moteur V10. Développé au début des années 90 pour équiper les F1 de l’équipe Arrows, ce bloc de 3,5 litres de cylindrée est très vite abandonné au profit d’une autre solution mécanique proposée par le motoriste Cosworth. Quelques années plus tard, Porsche a besoin d’un moteur pour équiper son nouveau prototype prévu pour les courses d’endurance. Le V10 est alors sorti du purgatoire dans lequel il se trouve et sa cylindrée est portée à 5 ou à 5,5 litres selon les configurations.
Il faut croire qu’il est vraiment maudit car il est une nouvelle fois mis de côté en 1999 sans avoir couru ! En même temps, Porsche est en train de plancher sur le projet d’un prototype servant de vitrine au nouveau système de freins en carbone-céramique PCCB (Porsche Ceramic Composite Brake) mis au point en interne. Une voiture construite entièrement en carbone est alors construite pour le Mondial de l’Automobile de Paris en 2000. Pour mouvoir ce monstre, on retrouve le fameux V10 atmosphérique repris tel quel de la voiture d’endurance, dans sa configuration 5,5 litres et 558 chevaux.
Technologie et tradition
Baptisé Carrera GT, ce concept-car fait fureur au Salon après une présentation à la presse en grandes pompes.
La décision de le produire en série est rapidement prise. Il faut toutefois attendre encore trois ans avant que le premier exemplaire ne sorte de la chaîne de montage. Par rapport au proto, le moteur a été réalésé à 5,7 litres et développe désormais 612 chevaux au régime élevé de 8.000 tr/min. A l’origine séquentielle, la boîte de vitesses a été contre toute attente remplacée par une transmission manuelle à 6 rapports.
Pour le reste, la voiture reste très proche du concept-car et ne lésine pas sur les solutions techniques de haut-rang. Outre les freins en carbone céramique dont les disques ventilés font tout de même 380 mm, la Carrera GT est équipée de jantes de 20 pouces en magnésium et d’un minuscule embrayage en carbone de… 169 mm ! Grâce à sa construction en carbone, la Porsche ne pèse que 1.380 kg. Du coup, ses performances sont stratosphériques pour l’époque avec un 0 à 100 km/h annoncé en 3,9 secondes et une vitesse maximale de 332 km/h !
Confort soigné
Elle a beau être une supercar, la Carrera GT n’a pas oublié le confort de ses passagers. En cette journée magnifique, nous enlevons le toit en deux parties afin de profiter de la joie de la conduite au grand air. Très soigné, l’habitacle est séparé en deux cellules distinctes qui font que chacun a son espace dévolu.
Dans cet univers haute couture, Porsche n’a rien oublié, pas même les espaces de rangements pour les téléphones portables ou les portefeuilles. Au rayon des beaux détails, on peut admirer le pédalier taillé dans l’aluminium massif ou le pommeau de vitesses fait de plusieurs essences de bois, qui émerge au milieu de la console centrale. Le soin avec lequel le constructeur allemand a développé cette voiture se ressent partout dans la Carrera GT : elle est même équipée de la climatisation et d’une radionavigation dont l’utilité est toute relative.
Musique, maestro !
Dans la grande tradition Porsche, la clé de contact est située à gauche du volant. Après une longue action du démarreur, le V10 s’ébroue avec la sonorité d’une F1 d’il y a une quelques années. Ce hurlement rend la Carrera GT encore plus impressionnante et nous ne sommes pourtant encore nulle part dans la cascade des émotions de cet essai !
« La plus grosse difficulté de la Carrera GT est la gestion de son embrayage », raconte Bernard. « Tout en carbone et minuscule (17 cm de diamètre à peine !), il est à la fois dur et assez peu progressif. Etant donné que le pédalier est articulé par le bas, la solution est de visser le talon au plancher et de l’utiliser comme charnière ».
Plus facile à dire qu’à faire quand on porte des chaussures de ville avec un talon. Lorsqu’on sait en plus que cet embrayage peut facilement brûler et que son remplacement coûte le prix d’une petite citadine neuve, ça ne fait qu’augmenter la pression ! Après avoir calé deux fois, nous partons enfin, avec la confiance d’un adolescent qui suit ses premiers cours d’auto-école. La caractéristique la plus marquante de cette voiture est la sonorité de son V10 : elle est fabuleuse à tous les régimes et elle donne la chair de poule à la moindre accélération. Assurément, la Porsche Carrera GT est une des voitures de production à la plus belle musicalité, une espèce en voie prochaine d’extinction malheureusement.
Les passages dans les tunnels sont l’occasion de fous rires tant le moteur exprime tout son coffre, à la grande surprise des autres automobilistes qui s’attendent à se voir dépassés par une F1 !
Paradoxale
Bien évidemment, les accélérations sont phénoménales, de même que la puissance des freins en carbone-céramique qui n’ont aucun mal à arrêter la bête. Cependant, ce qui est le plus étonnant dans cette Carrera GT, c’est sa dichotomie de caractères. D’un côté, elle peut rouler très cool, sur un filet de gaz, dans un confort tout à fait acceptable car elle est très loin d’être une planche à clous et sa direction est un juste compromis entre précision et agrément sur la route.
De l’autre, elle se montre bestiale à la moindre pression sur l’accélérateur et son châssis hyper précis en fait un gros kart très précis. Le plus important est qu’il ne faut surtout pas oublier qu’il s’agit d’une supercar de 2003 qui n’est dotée que d’un contrôle de traction et de l’ABS.
Bernard, qui connaît cette machine jusqu’au bout des doigts n’hésite pas à faire des passages rapides où l’on sent que la Porsche est souvent en recherche d’adhérence : on est loin des sportives modernes qui sont entièrement régies par l’électronique. En tout cas, la Carrera GT nécessite de bonnes notions de pilotage et beaucoup d’audace pour en tirer la quintessence. Vu la valeur de l’engin (comptez au grand minimum 600.000 € pour vous en offrir une !), nous préférons y aller piano et jouer la sécurité.
Mémoire collective
A condition de ne pas tomber dans des embouteillages qui ne sont absolument pas sa tasse de thé, la Carrera GT est une compagne de voyage agréable dont la consommation est basse, pour une supercar du moins. Durant notre essai, elle s’est élevée à 17,5l/100km mais Bernard assure qu’elle peut descendre aux alentours de 12l/100km sur de plus longs trajets.
Conclusion
Si ce n’est son embrayage impitoyable, la Porsche Carrera GT n’a pas vraiment vieilli au fond. Sa cote de popularité est quant à elle toujours au top, au vu du nombre de personnes qui nous ont montré des marques de sympathie ou qui l’ont prise en photo durant notre reportage. Cette ferveur qui fait vraiment chaud au cœur montre que l’automobile fait toujours rêver !
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