ESSAI RÉTRO Maserati 222E (1989) : Succession compliquée

Prendre le relai d’un modèle qui a une très mauvaise image n’est jamais chose évidente. C’est le cas de la Maserati 222E, qui a eu pour lourde tâche à la fin des années 80 de succéder à la sulfureuse Biturbo.

Publié le 21 novembre 2021
Temps de lecture : 6 min

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Ce mois-ci, nous avons eu l’occasion de prendre le volant d’une voiture particulièrement rare puisqu’elle n’a été vendue à l’époque qu’en un seul et unique exemplaire dans notre pays !

Produite en 1989, cette Maserati 222E a été importée par le garage bruxellois Mannès, qui était à l’époque l’unique représentant de la marque en Belgique. Cette voiture est en fait une évolution de la Biturbo, un modèle à la réputation sulfureuse lancé en 1981, sous la direction d’Alejandro De Tomaso.

Constructeur automobile réputé entre autres pour son fameux coupé Pantera, ce dernier avait de grandes ambitions pour Maserati, qu’il racheta en 1975 à Citroën. Malheureusement, les crédits manquaient cruellement et la Biturbo fut lancée alors que son développement n’était pas vraiment terminé.

Du coup, les premiers clients essuyèrent les plâtres d’une fiabilité quasi nulle. Au fil des années, la marque au Trident corrigea petit à petit les défauts, et changea le nom de ses voitures pour faire oublier cet échec mais le mal était fait : l’image de la marque fut particulièrement écornée.

Pour l’export, la Biturbo devint 222E en 1988 et se mit sur son 31 : sa ligne fut adoucie en quelques points par le designer Marcello Gandini, elle se dota de belles jantes de 15 pouces en aluminium et reçut un traitement plus luxueux de son habitacle qui jusque-là était indigne de son rang.

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Cependant, la plus belle surprise résidait sous le capot, où le V6 passa de 2 à 2,8 litres. Gavé par deux turbos IHI, il était fabriqué tout en alliage et disposait de 3 soupapes par cylindre. Il développe 225 chevaux à 5.500 tr/min et bénéficie surtout d’un couple de 363 Nm le rendant plus souple à utiliser que le 2 litres réservé au marché italien. Pour faire passer sa puissance aux roues, il est associé à une boîte ZF 5 rapports et à un différentiel à glissement limité.

Vieux rêve

Propriété depuis quelques années de Philippe, cette 222E a été l’occasion pour lui de réaliser un rêve : « J’ai toujours aimé les voitures italiennes. Lors de vacances avec mes parents, je me souviens d’avoir vu une des premières 222 et de m’être promis d’en avoir une un jour. Alors, lorsque j’ai vu cette voiture à vendre, je n’ai pas hésité. Elle n’avait connu que deux propriétaires et était dans son état d’origine ». Ce passionné a alors entrepris des recherches auprès de Maserati et du garage Mannès pour connaître l’histoire de sa voiture.

Immatriculée pour la première fois en 1990, cette voiture coûtait tout de même un peu plus de 1,5 million de francs belges. Pour justifier un prix pareil, la marque italienne n’avait pas lésiné sur les beaux matériaux comme les inserts en bois précieux, la montre baroque insérée dans la console centrale, le cuir sur le volant et le pommeau de vitesses, ainsi que l’Alcantara qui recouvre partiellement les sièges et le ciel de toit. Etrangement, ce beau tableau est gâché par des assemblages parfois approximatifs, comme celui de la porte de la boîte à gants qui reste en permanence entrebâillée.

Cependant, la 222E propose un confort de haut niveau grâce à des sièges très moelleux, une bonne insonorisation de son habitacle et une climatisation automatique dont la commande à touches sensitives a de quoi faire sourire aujourd’hui. Véritable 4 places, la Maserati est une GT prévue pour faire de la route sans fatigue.

Deux voitures en une

Très discret au ralenti, le V6 bi-turbo est du velours à allure normale. Sur un filet de gaz, il est possible de « cruiser » gentiment grâce à son couple généreux. Avec sa direction assistée et ses commandes très douces, la Maserati n’est pas du tout éprouvante. Seule sa boîte de vitesses, dont le levier vous gratifie de grands débattements, trahit une conception d’un autre âge. Pour découvrir la musicalité du moulin, il faut monter dans les tours. Là, la symphonie qui vous touche directement au cœur ! Puis, vers 4.000 tr/min, les turbos se déclenchent et c’est la grosse poussée, avec un 0 à 100 km/h expédié dans les 6 secondes.

La gentille GT se fait alors GTI, si ce n’est que son centre de gravité placé fort haut et son absence de barre antiroulis à l’arrière ne mettent pas en confiance. Ajoutez à cela l’absence de toute assistance à la conduite (même pas d’ABS, ce qui était un peu pingre) et vous comprendrez qu’il vaut mieux réduire la cadence, sous peine de se faire de grosses frayeurs. Il convient également de ménager le carter, situé très bas et qui ne demande qu’à se fendre au premier casse vitesse !

Réputation non fondée

En quelques années, Philippe a eu l’occasion de rouler pas mal avec sa Maserati, qui affiche aujourd’hui fièrement plus de 190.000 km, ce qui contredit la réputation de fragilité de cette voiture. « Il est vrai que les premières Biturbo à carburateurs ont connu de nombreux problèmes de conception », explique-t-il. « Mais les 222 ont été corrigées en profondeur. Le problème récurrent de ces voitures est la boîte à fusibles, qui cause 90% des pannes.

Heureusement, il existe une pièce qui a été fiabilisée afin de rouler en toute tranquillité d’esprit. Pour le reste, elle demeure une Maserati demandant un entretien rigoureux et ne supportant pas l’à peu près.  A partir du moment où en prend soin, la voiture se montre fiable. Je viens d’ailleurs de boucler un voyage de 1.500 km à son bord sans soucis ».

Un autre aspect qu’il convient de savoir avant de franchir le pas est que certaines pièces sont rares, voire introuvables. C’est pour cela que Philippe a acheté une seconde Maserati qui lui sert de réserve de pièces. Quand on aime…

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Par Maxime Hérion Journaliste

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